La croix du cimetière de Belfaux

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Au « Pré-Saint-Maurice », la grande et belle croix tréflée du cimetière de Belfaux commémore l’incendie de l’église qui se trouvait à cet endroit jusqu’au XVe siècle, et la sauvegarde miraculeuse du Saint-Crucifix qui échappa aux flammes. Sculptée en marbre de Soleure, la croix a été érigée en 1688. Elle comporte plusieurs éléments sculptés. La date est gravée sur la barre transversale principale. Au milieu de la plus petite barre se trouve un cœur percé de trois clous (les trois clous de la crucifixion). Restons aujourd’hui sur les symboles du soleil et de la lune placés aux extrémités de la barre principale.

Il était d’usage, à la fin de l’Antiquité et durant tout le Moyen Age, de surmonter la représentation de Jésus en croix d’un soleil et d’une lune. Le soleil se trouve à notre gauche (c’est-à-dire à la droite du Crucifié, la place d’honneur) et la lune, astre moins noble, se trouve à notre droite (c’est-à-dire à la gauche du Crucifié). La fréquence des représentations des deux astres baisse à partir de la Renaissance. Que l’on ait sculpté le soleil et la lune à Belfaux à la fin du XVIIe siècle serait donc un anachronisme ou une survivance.

Selon une interprétation répandue, le soleil et la lune autour du Crucifié rappelleraient le désordre de la création au moment de la mise en croix du Sauveur : « A partir de la sixième heure (c’est-à-dire midi), l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure (trois heures de l’après-midi) » (Matthieu 27,45). Les deux astres perdent leur éclat pour montrer leur tristesse devant la mort du Maître. Une telle explication serait assez récente cependant, tout comme de voir en ces deux astres les symboles du commencement et de la fin, des deux Testaments, etc.

Mettre le soleil et la lune à côté d’un personnage que l’on veut honorer est antérieur au christianisme et se retrouve dans le monde antique. Cela concerne une divinité, un prince divinisé, un défunt héroïsé. Le soleil et la lune font comme une garde, une escorte d’honneur autour du personnage principal. On veut montrer que sa puissance est pareille à celle des astres ou les domine. Le christianisme aurait repris ce symbolisme pour exalter le Christ. Par la présence du soleil et de la lune autour de la croix, on souligne que le Christ crucifié, apparemment si faible, domine les éléments du monde. La première image datable illustrant ce thème est une enluminure d’un manuscrit achevé en l’an 586, où un soleil rouge et une lune violette encadrent Jésus en croix. Déjà l’Ancien Testament suggérait ce thème de la garde d’honneur dans l’histoire du patriarche Joseph, où ce dernier rêve que le soleil, la lune et onze étoiles se prosternaient devant lui (Genèse 37,9).

Qu’on adopte la théorie de l’affliction de la création face au Christ en croix ou celle de la garde d’honneur accordée à celui qui est plus puissant que le monde, le thème du soleil et de la lune autour du Crucifié montre la dimension cosmique du Christ et de son œuvre. Jésus-Christ n’est pas uniquement le Sauveur des âmes qui se donnent à lui, il n’est pas simplement le modèle d’une humanité ouverte aux autres. Celui qui est entré dans le monde de la Résurrection veut restaurer en lui l’univers entier et le transformer, pour faire de lui les cieux nouveaux et la terre nouvelle.